Dévéloppement durable

«Lorsque nous construisons, nous construisons bien.»

La société Beer Holzbau AG a reçu le prix bernois des entreprises «Klima + Energie 2023». Heinz Beer, son directeur, s’exprime au sujet du potentiel que recèle l’industrie du bois et de l’importance des constructions en bois dans l’espace urbain.

Monsieur, toutes nos félicitations pour votre prix! Vous avez été récompensé pour vos idées novatrices en matière d’habitat collectif et de construction peu gourmande en énergie. Mais le secteur de la construction peut-il réellement être économe en énergie?

Nous construisons en bois. Ce faisant, non seulement nous réalisons des économies d’énergie, mais nous contribuons aussi à la protection du climat. Il s’agit du matériau renouvelable le plus utilisé dans le monde. Le CO2 présent dans le bois de construction est «enfermé» pendant des dizaines d’années dans les bâtiments. Ce matériau joue donc un rôle de puits de CO2. Par ailleurs, l’énergie nécessaire à la production de bois et à son traitement est largement inférieure à celle requise pour produire ou traiter du béton ou de l’acier, sans compter que les distances de transport sont beaucoup plus courtes. En résumé, oui, utiliser du bois pour construire consomme peu d’énergie. 

Utilisez-vous uniquement du bois d’origine suisse? 

Lorsque c’est possible, nous utilisons du bois suisse. Sinon, nous prenons du bois provenant des pays limitrophes. Environ 30% du bois utilisé pour la construction en Suisse est du bois indigène, et nous pourrions augmenter cette proportion à 50% à l’avenir. Pour cela, nous devrions toutefois décupler nos capacités de traitement. Il est aujourd’hui compliqué, d’un point de vue économique, de bâtir de nouvelles scieries, raison pour laquelle il est plus judicieux d’agrandir celles existantes. Mais cela demande du temps.

Nos forêts ne seront-elles pas surexploitées si nous coupons encore davantage de bois? 

De nos jours, un grand nombre de forêts sont surannées. La sécheresse causée par le changement climatique stresse les arbres et menace tout particulièrement l’épicéa, aussi appelé «arbre à pain» dans l’industrie forestière en raison de la polyvalence de son bois. Les jeunes arbres sont plein de vigueur et beaucoup moins vulnérables aux scolytes, aux bostryches ou aux maladies. L’exploitation forestière a un rôle à jouer: nous contribuons à redessiner les forêts en abattant de vieux arbres et en en plantant des jeunes.

Vous avez construit la «Maison Climat» au cœur de la ville de Bienne. C’est un projet phare en ces temps de crise climatique, car le bâtiment a été entièrement pensé autour de la durabilité. Qu’est-ce qui distingue cet édifice?

Le bâtiment est une construction en bois certifiée Minergie-A à isolation maximale et à haute insonorisation. Il produit annuellement plus d'énergie qu'il n'en consomme. Le chauffage est assuré par une pompe à chaleur géothermique et un chauffage au sol. En été, les planchers sont refroidis en dessous de la température ambiante et extraient la chaleur de la pièce.

Cet immeuble de vingt appartements est de taille relativement petite. Il offre cependant un confort remarquable et tient compte des besoins des personnes des différentes classes d’âge. Voilà les questions qu’il faut se poser avant de construire: de quel espace de vie l’être humain a-t-il réellement besoin et pour quoi? Avant la Maison Climat, cette parcelle n’abritait que douze appartements. Les nouveaux logements sont plus attractifs et meilleur marché, car les surfaces habitables ont été réduites à l’essentiel afin de favoriser des espaces de vie communs. Il nous faudra penser à ces aspects à l’avenir, surtout dans les zones urbaines.

Êtes-vous donc convaincu que la densification du bâti est la solution pour l’avenir?

Oui. Regardez notre bâtiment à Ostermundigen. Autrefois, l’édifice disposait de 2000 m2 d’espace au sol; aujourd’hui, il en compte 6000 et consomme beaucoup moins d’énergie. Il se compose de quatre appartements, de trois entreprises et d’une salle pouvant accueillir diverses manifestations. En Suisse, le potentiel pour compacter le bâti et diversifier l’exploitation des bâtiments est énorme. Il est primordial d’aller dans cette direction si nous voulons réduire la consommation des ressources du secteur immobilier.

Lors de la remise des prix (de g. à dr.): Corinne Wüthrich (-Beer), Mario Jost, Heinz Beer et Elisabeth Beer. (Source photo: aeesuisse)

 

Combien coûte une maison en bois par rapport à une maison en béton, par exemple (construction massive)?

Cela dépend si nous prenons en compte uniquement le financement de construction ou le cycle de vie du bâtiment dans son ensemble. L’exploitation de la maison est essentielle à nos yeux: lorsque nous construisons, nous construisons bien. L’enveloppe des édifices que nous bâtissons doit être la meilleure possible et entraîner une consommation d’énergie la plus basse possible. C’est pourquoi les coûts d’investissement sont un peu plus élevés. Les coûts d’exploitation, par contre, sont plus faibles, ce qui est payant à long terme.

Malheureusement, les spéculateurs immobiliers visent aujourd’hui encore à offrir des bâtiments dont la structure est la moins chère possible. Les charges des appartements prennent l’ascenseur lorsque l’enveloppe du bâtiment est mauvaise ou que celui-ci ne dispose pas d’installation solaire. J’ai déjà abordé ce problème à plusieurs reprises avec des banques. Il serait plus durable et plus intéressant, pour elles aussi, de prendre en compte tant les coûts d’investissement que les coûts d’exploitation. 

Quel est le plus grand défi auquel votre entreprise fait face?

La hausse de la demande en bois nous pose problème. La Confédération a fortement encouragé le chauffage à distance au cours des dernières années. Une quantité toujours plus grande de bois est par conséquent nécessaire pour ceci. Il est important que les subventions versées par la Confédération n’envoient pas de mauvais signaux: le bois est une ressource naturelle et est donc renouvelable, mais les surfaces exploitables et les taux de croissance des arbres sont limités. Il est d’autant plus vital de favoriser l’utilisation «en cascade» du bois et l’économie circulaire: les produits fabriqués en bois devraient être peu à peu réutilisés, recyclés et finalement brûlés pour produire de l’énergie. C’est la seule manière de garantir une utilisation de nos ressources responsable et respectueuse de l’environnement et d’améliorer notre bilan carbone.

Le manque de main d’œuvre qualifiée et la numérisation sont les grands défis auxquels sont confrontées la majorité des PME. Cela ne semble pas être le cas pour vous.

L’industrie du bois est très avancée en matière de numérisation. Les étapes de production étaient planifiées à l’ordinateur, il y a une trentaine d’années déjà. La modélisation des données du bâtiment (BIM) nous permet d’effectuer la planification, la construction et la gestion du bâtiment à l’aide d’un logiciel. Toutes les données du bâtiment dont nous avons besoin sont modélisées numériquement, combinées et peuvent être visualisées géométriquement. Les entreprises de construction qui ne sont pas encore habituées à travailler de la sorte sont nombreuses, c’est pourquoi nous assumons un rôle central dans la construction. Parfois, nous coordonnons l’entier de la technique du bâtiment à la place des planificateurs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’industrie du bois offre des perspectives intéressantes aux jeunes: nous utilisons l’informatique et nous sommes durables.

De plus, nous investissons énormément dans la formation de notre personnel. Notre équipe compte jusqu’à 17 apprentis. Toute personne qui aimerait effectuer une journée de stage chez nous est la bienvenue! La majorité des apprentis restent dans notre entreprise à l’issue de leur formation. Et nos stagiaires effectuant une formation continue dans la planification ou la technique du bois reviennent souvent chez nous. Ainsi, nous ne sommes pas touchés par la pénurie de main d’œuvre qualifiée.

Dans quels domaines pouvez-vous encore vous améliorer?

Nous aimerions encore augmenter le taux de préfabrication. Or il est très compliqué de surveiller les chantiers, ce d’autant plus qu’ils ont une dynamique qui leur est propre. En outre, on y est sujet aux aléas de la météo. Et à cela s’ajoute le fait que l’on dépend d’autres entreprises et que la coordination effectuée sur place n’est pas toujours optimale. Toutes ces raisons font que nous voudrions préfabriquer un maximum dans nos ateliers, au sec et de manière ordonnée. Par ailleurs, cela nous éviterait des déplacements, réduirait les coûts et, par conséquent, rendrait la production meilleure marché.

Parlons de l’espace économique bernois. Quels changements espérez-vous voir?

Je souhaite de meilleures conditions-cadres pour les PME et un gouvernement qui soutient davantage l’artisanat. Le système est lent dans notre canton. Avant le coronavirus, les délais pour une procédure d’octroi du permis de construire étaient de deux à quatre mois. Aujourd’hui, il faut compter six à sept mois, voire, parfois, jusqu’à deux ans pour obtenir une autorisation. Les entreprises qui aimeraient s’implanter dans le canton prennent alors un risque considérable. Le canton de Berne pourrait se positionner davantage comme un partenaire et un partisan de l’artisanat et de l’industrie. Mais pour cela, il faudrait que la politique et l’administration fassent preuve d’esprit d’entreprise.

 

Date de publication: 20.11.2023

Breadcrumb Navigation | Title

  1. Home
  2. Blog
  3. Développement durable
  4. «Lorsque nous construisons, nous construisons bien.»